vendredi 9 novembre 2018

A star is born



En rentrant ce soir, épuisé par le travail et les informations du jour, il m'a semblé pertinent plus qu'opportun d'aller voir un film, et ce fut — sans conviction pourtant — celui surprenant que porte avec sa voix Lady Gaga ! Je ne la connaissais pas (son répertoire étant très éloigné de mes centres d'intérêt), quoique son minois me rappela celui d'une certaine Léa Salamé.
C'est souvent en se déplaçant sans cette conviction que l'on est saisi par un film inattendu, par de l'épaisseur où l'on pensait futilité, par de la beauté tandis qu'on présumait paillettes.
À la première interprétation de Piaf, aux premiers accords folks, on est saisi par le poil et l'on se laisse aller, bateau-ivre à la façon que racontera la suite et qui nous fera frémir incessamment.
Vous irez voir ce film ; il est magnifique, avec un premier acte inspiré du souffle américain profond, roots et rock'n'folk, inimitable, enflé d'un volume inexistant par ailleurs, un héritage hybridé des mélodies irlandaises et des rythmes africains qui donnèrent une âme à la musique en mouvement, cadencée, meurtrie, parfois violente aussi du Nouveau Monde et de ses secousses.
À des années-lumière au moins de la primalité de Trump, on se souvient ici que l'Amérique est aussi le pays des pionnières et des Claudia Cardinale "Il était une fois dans l'Ouest", et que la musique est, même avec des bouts de cordes en bronze arrachés sur des guitares, un alliance entre les genres et leurs quelques confusions dans des troquets nocturnes où les reines ont du cœur.
On dit que les hommes sont forts. Foutaises ! Ils ont du talent, parfois, certes, et pourtant ce sont les femmes qui sont fortes, et sans les femmes, les hommes ne vaudraient rien, toute l'Histoire nous l'enseigne.
Au bout du compte, eh bien ce film le montre aussi, c'est ce qui fait sa valeur à mon sens.
Oscillant sur le registre infiniment revisité du couple emblématique ayant sacralisé Birkin et Gainsbourg, on retrouve ici le mystère absolu de l'Amour unissant des êtres en rupture de ban sur leur pourtant évidente adéquation. Ce qu'on ne s'explique pas... Si c'était ça ce concept à ce point galvaudé, l'Amour ?
En effet, ce film est très amerloque, excessivement amerloque, en tout point amerloque, usant jusqu'au poncifs du rêve américain, mais sinon braves gens que nous reste-t-il ?
"A star is born" est l'indice indiquant que les fadeurs anglaises ont éclipsé trop longtemps la brutalité suave et spontanée du rock USA, libérant de nouveau son parfum de liberté transgressive.











mercredi 4 juillet 2018

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

En matière d'Art ou de Cinéma, la chose commune est la création qui conforte, et la chose originale est celle qui bouscule.
On se rappelait, au sein de l'équipe œuvrant au bon fonctionnement des Cinés des plages, un temps déjà lointain qui fut celui d'une révolution, d'une bousculade au sein d'un train-train de l'époque, en l'occurrence à la sortie de « Delikatessen », OVNI signé Jean-Pierre Jeunet, Marc Caro.
L'Art bouge avec les mouvements qu'on lui imprime.
Et « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête », histoire ampoulée d'un écrivain qui n'imprime plus, quelque niveau que ce soit, fait indubitablement partie de ces objets qui dérangent et font bouger l'emblavé champ d'une production trop souvent sans surprise.
Il est compliqué de présenter un film aussi surprenant sans divulgâcher précisément les surprises œuvrant à sa substance intégrale. Alors, en bon déménageur de suspense, il m'a semblé primordial de ne pas même publier la bande annonce, au contraire d'une interview intéressante et riche du metteur en scène et de l'acteur principal.
En un mot comme en cent, « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête » — également nanti d'une bande son épatante — est extraordinaire !
Osez franchir un premier quart d'heure absolument déstabilisant, laissez-vous imprégner de cette encre indélébile et débile à laquelle on abreuve assez souvent les marginalités, vous découvrirez dès lors un envers abominable du décors social, auquel on assujettit ceux qui comme le chantait Brassens, ont mauvaise réputation.
C'est donc une mise en abyme époustouflante de la transgression dans toutes ses dimensions, de l'originalité, le tout sur un ton passablement désinvolte et pourtant tellement inquiétant, prouvant que l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Le Bien, le Mal, et toutes ces foutaises infiniment rassurantes en prennent un coup sûr, haletant au gré d'une bande originale un brin tarentinesque. On ne peut jurer de rien, mais « Le ciel étoilé au-dessus de ma tête » a tout du Film-Culte, insolent tel un astre excessif, irradiant du talent de ses acteurs solaires — un Laurent Poitrenaud fabuleux, Camille Chamoux plus vraie qu'une nature vraie mais naturelle, et tous les autres, et tous les autres...
Une étoile est née dans le firmament du Ciné, juste au-dessus de nos têtes.

L'interview :


La bande originale :


mercredi 20 juin 2018

En guerre



La sauvagerie du monde moderne et du triomphant capitalisme a creusé de nouvelles tranchées sur le front de positions politiques en guerre.
Un constat ? Plus qu'un constat : Le rapport de force entre une entité patronale insidieusement diffuse au sein de ses actionnaires, et la masse éternellement laborieuse anesthésiée par un profit dont l'usage illusoire est un leurre absolu, se distingue en tout du point de vue marxiste et binaire appelé « Lutte des classes », afin d'instiller de façon pernicieuse un nouveau genre de viralité que le conflit matérialise à son degré maximal, à savoir la Guerre.
Un tel processus est le produit d'une évolution lente et structurée, d'une dérive assurément consanguine à la nature organisée d'une économie de marché considérée comme incontournable option sociétale, et pourtant génératrice objective assumée de monstruosités sociales.
On pourrait parler des immeubles effondrés sur des ouvriers du textile asiates et des projets d'avenir coulés dans le béton des fondations-cercueils où d'autres immeubles iront puiser saprophytes, un jus nécessaire aux villes-champignons, mais si l'on regarde à deux pas, si l'on se franchouille au drame en écho dans notre « mère-patrie », le retour en forme de rouage est d'une implacable articulation.
Nous évoluons dans un univers mondialisé ; de fait, en Guerre mondiale.
« En guerre » est un zoom extraordinaire et scrupuleux porté sur une éruption locale en forme urticante, une crise avec ses stades et sa progression pathologique, où chaque acteur, où chaque combattant, n'est finalement de part ou d'autre qu'un otage en première ligne offert en chair à canon du Marché tout puissant.
Le génie de ce film est double : il montre en premier la vanité de combats qui ne se produisent qu'entre instrumentés, si loin de ceux qui protégés, les manipulent. Tapez sur un flic, tapez sur un responsable RH, où sera le changement ? Dans un second temps, ce faux documentaire a le talent de nous ramener aux conditions humaines, avec leurs forces et leurs faiblesses, avec leurs espoirs et leurs effondrements, mais le Marché n'existe pas concrètement, tandis que nous humains, nous vivons, tandis que nous vivants, nous pouvons toujours infléchir un tant soit peu le cours de nos vies, le cours de la vie de nos enfants, si tant est que nous donnions le sens à nos engagements qui permet d'échapper à la manipulation.

Le génie de ce film est enfin de ne céder en rien à la facilité, de démontrer jusqu'à sa fin qu' « En guerre » est un titre infiniment peu vain.