Il y avait longtemps — depuis les Verneuil avec Bébel ou Dewaere et Blier ("Peur sur la ville", "Le corps de mon ennemi", "Mille milliards de dollars") — il y avait longtemps que je n'avais plus vu de film d'action français, matiné d'influence américaine à la "French connection" de Friedkin, et puissament porté vers l'aventure et le divertissement.
Vers l'amour aussi, puisque telle est la construction de ce film actant Gilles Lellouche en tant que réalisateur, affichant clairement ses influences italo-américaines en sa volonté de Cinéma.
Sergio Leone en premier, cette histoire étant scindée par l'incarcération fatale à l'amour, en deux parties — d'adolescence et d'âge adulte ("Il était une fois en Amérique"), et nos erreurs à méditer.
Mais aussi, d'ambiance et d'illustrations, Scorcese ("Taxi Driver", puisque dans le dialogue de Jackie gamine, il y a bien le fameux "c'est à moi qu'tu parles ?" — repris déjà par Kassowitz avec "La haine"), évidemment Coppola (les scènes de mariage et de mitraillage et de fric issues du "Parrain"), Cimino (les scènes ouvrières et les poursuites en voiture, et le mariage à nouveau — "Voyage au bout de l'enfer").
Enfin, la réussite absolue de Lellouche, est d'avoir su transposer cela dans le Nord de la France, où les dockers et la pègre existent aussi, comme à New-York ou dans le 93, où la pauvreté mène à la délinquence, aux magouilles, à la violence, à la rencontre aussi, parfois.
Gilles Lellouche a tout mis dans sa réalisation, tout ce qu'il aime et tout ce qui l'a porté dans sa vocation cinématographique, et je crois ne pas être un seul être à le ressentir ! Il a fait ce film en mettant tout de sa propre histoire aussi, la Bande Originale en étant le marqueur indélébile, agencée divinement dans des instants vidéos-clipés nourrissant le récit judicieusement (tant dans les sentiments que dans la violence).
Un peu comme un "Babylone" ouspillé de Damien Chazelle, "L'amour ouf" est le sujet de controverses un peu trop intellectuelles à mon sens, et c'est justement l'occasion d'aller le voir en évitant de se prendre la tête, en profitant de ces presque trois heures que l'on ne voit pas défiler, surpris qu'on est par des seconds rôles éblouissants (Raphaël Quenard — héros de "Yannick" —, Alain Chabat — père émouvant —, Jean-Pascal Zadi — l'ami touchant —, Benoît Poelvoorde — inquiétant —, Vincent Lacoste — impressionnant — même aussi la bande au petit Quinquin, pour ceux qui savent...)
À noter, les deux adolescents remarquables habitant la partie première, avec une intensité troublante.
On oubliait les premiers rôles ! Habituellement le Bon, François Civil est la Brute et le Truand cumulés. Je crois qu'il est l'un de nos grands acteurs à venir.
Au sujet d'Adèle ? Il ne m'est pas possible en vérité d'être objectif : elle est belle et fascinante, envoûtante, et son avant dernière-scène en face-à-face avec un Pio Marmaï infect, est le moment féministe ultime et moraliste (alors que durant tout le film elle vilipende La Fontaine), où selon moi tout prend sens.