lundi 21 septembre 2009

Inglorious basterds




Jubilatoire ? Connaissez-vous l'exacte signification de ce mot ? Oh, il est possible d'ouvrir un dictionnaire, d'adopter une attitude péremptoire ou mieux, de disserter dessus pour tenter de vous transmettre la substance que ce terme recouvre. Pour ma part, je vous conseillerais le dernier traitement de choc de Quentin Tarantino, « Inglorious basterds ».
Le cinéma peut être une succession de coups de poing dans la gueule, comme la musique, la littérature ou l'art en général. Il arrive que parfois, comme un boxeur sonné sur un ring, nous y prenions un quelconque plaisir masochiste, surtout lorsque, au bout du compte, nous est délivrée l'ordonnance exutoire du maître es sentiments internes, quinzième round, lorsque après avoir joué les enclumes, nous gagnons par K.O. à la fin, sans que les 2h28 passées ne soient plus à nous que l'ombre d'un instant qui se soit écoulé trop vite entre nos doigts.
On ne regarde pas un film de Tarantino : on est DEDANS ! On se masque le visage de doigts vaguement écartés à chaque horreur, on tombe de son siège, mort de rire, à chaque fil blanc dont l'on devine la couture de ses chroniques, en rupture surréaliste avec les saloperies qu'elles véhiculent.
Raconter un film comme « Inglorious basterds », ce n'est pas voler un story-board, c'est uniquement témoigner de son ressenti profond. C'est rester figé par la reconstitution parfaite du détail, du charme suranné de Diane Kruger, divine beauté au double visage du cinéma nazi, à l'engoncée  splendeur « rouge-baiser », « Danièle Darieux » - Rouge et noire, sur fond de croix gammées - de Mélanie Laurent, du rictus de Brad Pitt, formidable dans ce rôle d'être absolu et sans l'ombre d'un doute, du charme satanique de Christoph Waltz dans le rôle d'un boucher « chasseur de juif » polyglotte et indiciblement pervers.
Raconter un tel film, c'est parler de sa chair de poule, des tentions perpétuelles qui nous écartèlent, de ces références incessantes au western spaghetti, chez nous pourtant, douce France...
Tuer, torturer, faire la guerre, dans ce qu'elle a de plus innommable, est un art absolu dont déjà Coppola et Kubrik nous parlèrent ! Tarantino y ajoute sa dose d'absurdité, non sans nous convier à ce grand festin.
Vous auriez fait vous, même israélites, partie d'un commando d'assassins sordides, dont les meilleurs éléments sont des tueurs compulsifs passant leur temps à aiguiser une baïonnette sur une bande de cuir, ou à rêver d'exercer leurs talents de batteur de base-ball sur un crane allemand ?
Vous auriez été résistants, vous les bons français, qui planqueriez des gens traqués sans problème, jusqu'à ce que vous vissiez vos êtres les plus aimés accablés des pires vicissitudes ?
Vous vous seriez damnés, vous les blacks, pour l'amour d'une jeune juive, fut-il cinématographique ?
Nous sommes tous lotis aux mêmes incertitudes : celles de n'avoir pas vécu ces périodes atroces. Monsieur Tarantino nous y fait rentrer par son film. Oui ! Il nous y fait rentrer au point que nous sommes dans son action, dans un clandé sordide parisien où nous nous tendons à l'extrême dans la lenteur de l'inaction qui prélude à la déflagration, nid de barbouzes et de nazis cachés. Oui ! Il nous fait rentrer dans la dérive de l'Homme, dans une parodie de Cendrillon et de son soulier de vair, pour laisser libre cours à l'assassinat dans un affreux simulacre de coït, où l'on se demande parfois s'il s'agit d'un orgasme ou d'une agonie... Tarantino voit l'Homme dans sa vérité la plus absolue et la plus abjecte, en cela, il est un génie.
Jubilatoires ? Il nous voit même nous, jubilatoires de la fin qu'il nous offre dans le meurtre et dans le massacre ! Car tels nous sommes.
Ce film est un chef-d'œuvre (qui sera longtemps incompris, je pense), non parce qu'il propose une histoire, mais parce qu'il nous propose notre histoire dans un tel contexte. Il nous montre à quel point nous sommes de potentiels assassins pour le droit que nous pensons bon, et à quel point il est nécessaire d'être plus monstrueux que l'hydre afin de l'abattre.

3 commentaires:

Philippe a dit…

En général je suis assez client de Tarentino. Mais une chose me chiffonne à propos de ce film ( que je n'ai pas vu encore), plus exactement les propos de Tarentino qui parlait de cette époque de l'ambiance "Western" qu'elle lui inspirait. Est-ce mon coté historien qui m'a fait paraitre cette réflexion extrêmement cavalière, je ne sais, mais j'ai eu comme un malaise.

a+

Michel P a dit…

Fonce ! Tu comprendras après !

Murièle Modély a dit…

La scène d'ouverture est un pur chef d'oeuvre... pour la suite je suis plus réservée... j'ai trouvé le film bancal... (je suis habituellement inconditionnelle de Tarentino )