dimanche 14 mars 2010

Petit hommage en forme de petite chose




On attire souvent l'attention sur la dimension "engagée" de l'auteur-compositeur-interprète que fut Jean Ferrat, sur cet engagement en tant que compagnon de route du communisme, renforcé qu'il parut par son étroite collaboration et sa profonde amitié pour le couple Aragon-Triolet - dont j'omettrai ici le rappel sur son rôle peu glorieux vis-à-vis de Lily Brick et de l'inéluctable suicide de Vladimir Maïakovski.
Rédigeant ces quelques mots à propos de ce Monsieur qui vient de nous quitter, je ne ferai donc pas dans le panégyrique socio-politique ni dans l'intérêt qu'il y a littérairement, à revendiquer par le mot des vanités révolutionnaires dont lui-même revint. Je souhaite principalement me souvenir du poète et du musicien qui révéla probablement une part de ma vocation, tant il me fut donné de l'écouter enfant, de par des parents pour lesquels il faisait partie d'une génération dorée de chansonniers, les Barbara, Brassens, Brel, Ferré, Lapointe, Leclerc et autres lui-même.
Pour ce, j'ai choisi cette chanson comme illustration. Je considère "Ma môme", dont la "Jolie môme" de Ferré fut le parfait contrepoint, tel un absolu chef-d'œuvre de la chanson poétique populaire, voire de la poésie tout-court, lorsqu'on lit ce texte sans sa musique. Lorsque, bien des années plus tard, Renaud écrivit puis chanta "Ma gonzesse", il y avait une forme d'écho reconnaissant, porté par la même gouaille parigaude que dans ce diamant signé Ferrat.
Pour illustration, je ne peux m'empêcher de citer ces vers :
"On habite un meublé,
Elle et moi
La fenêtre n'a qu'un carreau
qui donne sur l'entrepôt
Et les toits..."
Quel merveilleux calembour poétique ! La rime plus que riche ! plus que riche de son simple sens, quand dans la structure profonde des mots rassemblés, pareille à ces rencontres qui ne sont belles que parce qu'elles se font par hasard, mais riche d'une incroyable concomitance de sons et de sens, et tout ce texte en est truffé ! Sur celui-ci, ce n'est même plus "Et les toits" que notre oreille capte, mais "Elle et Toi", mais mieux encore : "Et l'étoile". Voilà comment Jean Ferrat transformait des toits de banlieues en accessible étoile perçue dans la richesse inestimable des yeux d'une miséreuse, au simple détour d'un vers fumeux. Vous cherchiez une définition de la poésie ? Je viens de vous en fournir un exemple.
Oui, Monsieur Ferrat, "c'est beau comme du Verlaine", et même un peu plus parce que nourri de lui et avançant vers d'autres horizons, y comprit ceux des usines cristoliennes près desquelles la vie voulut que je grandisse en enfance.

1 commentaire:

Philippe a dit…

encore un "grand" qui disparait.