vendredi 18 janvier 2019

COLD WAR



Il y a d'abord l'image, une image absolument sublime, indélébile à la rétine et pelliculée par des mouvements de caméra magistraux, réminiscence aussi du grand cinéma polonais des jeunes Andrejz Wajda, Roman Polanski, Zulawski, dont Pawel Pawlikowski porte une évidente hérédité. Cette innocence un peu bucolique également, masque au décor abrupt et froid du marxisme-léninisme irascible en ses cités de plomb.
La grandeur d'une œuvre est souvent dans l'envie qu'elle transmet d'y rentrer, malgré la terreur inspirée, simplement ne serait-ce en tant que témoin que l'on se sent déjà, face à la beauté de ce qui transcende au moins pour quelques instants de bonheur, un univers dont Kafka sut anticiper l'obscure et lourde teneur.
"COLD WAR" en est la plus parfaite illustration, d'emblée touchante et portée par un couple d'acteurs fascinants : lui, flegmatique et beau, figé tel un Jeremy Irons d'au-delà le rideau de fer ; elle — à la beauté scarletto-johansonienne éclatante — un peu Betty d'un 37°2 beaucoup plus frisquet. L'un et l'autre ont l'art de nous porter entre eux tour à tour, à saute-mouton sur l'infranchissable obstacle issu du partage à Yalta, par-dessus les barbelés qu'ils se dressent parfois l'un pour l'autre, à l'aune angoissante émergeant de la possibilité du Grand Amour.
Ainsi, la musique en un filet de fleuve éconduit par la modernité croissante occidentale, oriente étrangement leurs pas, nos regards, au gré d'une oscillation de la Pologne à Paris, de la musique populaire au Classique et du Classique au Jazz, dans cette Europe écartelée dont nous gardons indubitablement la cicatrice suturée par des ponts sur les frontières.
On sort changé de la vision d'un film intense à ce point, sans trop savoir en quoi, mais avec la certitude inhérente à la réflexion qui se poursuit, d'un mouvement profond, de l'effet produit par un grand Cinéma d'Art.

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